Quand je bois des verres avec les copains, un vendredi soir, à Paris

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Dès que je pose un pied sur un trottoir parisien, je râle. Ses embouteillages, ses thés à six balles en terrasse, ses nanas toutes jolies et sûrement plus intéressantes que moi, ses mecs qui portent tous la même barbichette de hipster, son métro où les gens ne sourient pas beaucoup, ses loyers renversants, tout ça m’agace. Je râle souvent, mais j’y viens tout aussi souvent. Ma mère m’y a emmené très jeune, pour découvrir ce que la France a de plus beau : son patrimoine, ses monuments, sa culture libre et hétéroclite. On trouve ça normal quand on baigne dedans, on ne fait même plus attention aux pieds de géant de la Tour Eiffel. Mais regarde tout ce qui t’entoure, regarde comme nous sommes riches de tout cela…

Vendredi soir, nous fêtions l’anniversaire d’une amie dans un bar. Trente ans, ça se célèbre, et en fanfare. Un chouette endroit, avec une terrasse bondée, des parasols chauffants pour rester plus tard encore attablés tous ensemble, à fumer des clopes en parlant des derniers bouquins lus. Mon amie Delphine ne devait pas venir à cette soirée, pas très envie de sortir, un peu patraque, un peu triste. Coups de fil, textos. Ramène-toi, on a envie de te voir. Allez, je viens, ça ne me fera pas forcément du bien, mais je viens. Joie, allégresse, Apérol Spritz.

Nous étions dans Paris, nous étions nombreux mais nous allons tous bien, inutile de jouer la carte du suspens malvenu. Nous étions loin, et si près à la fois de tous ces gens qui nous ont quittés en un éclair de feu. Quand les smartphones ont vibré, annonçant les tirs dans le 11e, on s’est regardées avec Delphine et puis on a fait la moue. Ouais, un règlement de compte, ça va, c’est pas ça qui allait nous empêcher de faire la fête. Quand notre voisine de table s’est penchée vers moi, pour me montrer que la station de métro où les faits se déroulaient était à côté, je me suis contentée de sourire. Un peu niaisement même. On venait de se dire avec Delphine qu’on était vendredi 13 mais aussi le jour de la gentillesse, alors fallait pas déconner.

Le reste, c’est une soirée que de nombreux Parisiens ont vécu. Une soirée à première vue banale dans un bar, où ça picole, ça joue au baby-foot, ça s’embrasse. J’en ai même surpris deux dans les toilettes, que j’ai arrêté avant qu’ils ne s’envoient en l’air, parce que quand même, j’avais envie de faire pipi moi. La seule différence avec une soirée normale c’est qu’on est restés enfermés toute la nuit, derrière deux rideaux de fer, et qu’on sursautait des qu’un sombre crétin avait l’idée de vouloir sortir à tout prix prendre l’air (et tant pis pour les mecs subtils et amoureux du style de vie à la française qui se baladaient avec une Kalach’). L’autre différence, c’est que dehors des gens mourraient, des jeunes comme nous qui avaient eu l’indécence extrême de boire un coup à la terrasse d’un café. Les mêmes que nous, les mêmes sourires, les mêmes goûts peut-être. Jeunes, cons, arrogants, Parisiens, marrants, insolents, avec des barbes de hipster ou sans. Qu’importe.

L’un des derniers messages que j’ai envoyé à mon chéri avant de ne plus avoir de batterie c’est que je détestais cette ville à la con. Vaste blague. En fait, je l’aime bien, et je vais devoir apprendre à le dire parce que moi aussi je suis une immonde fornicatrice qui ose boire des verres en terrasse, porter des robes courtes et embrasser à pleine bouche mon cher et tendre.

Aujourd’hui Paris, même si je n’aime toujours pas tes loyers à 1200€ pour 30 misérables mètres carrés, je t’aime fort. Alors prend soin de toi.

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